Le 24 février 2022, la Russie commençait l’invasion à grande échelle de l’Ukraine. Nous venons de marquer le premier anniversaire de cette terrible guerre. Que va-t-il donc se passer ?

Anne Mazoyer-Jankowska est présidente de FairValue Corporate & Public Affairs, un cabinet d’affaires publiques français, notamment basé à Varsovie et en lien avec les affaires ukrainiennes.

Tels les anniversaires funèbres ou bien ceux plus ésotériques et tant redoutés par nos anciens, le retour annuel sur cette date fatale du 24 février 2022 va-t-il provoquer un bouleversement planétaire ou bien un apaisement notable du conflit ? Et par quels moyens diplomatiques, militaires ou économiques ?

Le degré d’incertitude est maximal.

À son déclenchement, cette invasion, considérée comme la plus importante opération militaire qu’ait connue l’Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale va faire accuser la Russie par les grandes puissances européennes et l’UE de mener une guerre d’agression contre l’Ukraine. Une action que la communauté internationale n’a eu de cesse de condamner avec fermeté, malgré un degré absolu d’incertitude sur sa durée et ses conséquences.

De Tchouang Tseu à Diogène, de Sénèque à Nāgārjuna, ce qu’ont voulu les taoïstes comme les cyniques, les stoïciens comme les bouddhistes – en dépit de leurs multiples différences -, ce fut toujours de se rendre insensible aux aléas du monde. Autrement dit d’éloigner l’incertitude qui perturbe les stratégies, infléchit les discours et les décisions.

Si les différents enseignements de ces philosophes emportent l’adhésion de disciples en temps de paix, la guerre s’inscrit dans une temporalité différente qui requiert une ténacité sans faille.

La tentative de la Chine de jouer le rôle de pacificateur neutre dans la guerre en Ukraine a fait chou blanc ce vendredi (24 février), l’OTAN et l’UE semblant mettre en cause la crédibilité de Pékin en tant que médiateur.

La ténacité au cœur du combat

En effet, qu’aurait été cette condamnation internationale sans la persévérance, la résistance et la volonté inégalée de combattre, et le « jusqu’auboutisme » du peuple ukrainien ?

Au grand étonnement de la part de toutes les nations, l’Ukraine résiste, combat avec un farouche acharnement et se défend pied à pied dès le début du conflit malgré un degré d’incertitude absolue compte tenu des forces militaires en présence.

Selon les chiffres de Banque Mondiale, le budget militaire de l’Ukraine pour l’année 2021 s’établissait juste en dessous de six milliards de dollars, soit dix fois moins que celui de la Russie, à 65 milliards de dollars.

L’on peut cependant se demander si cette ténacité, qui s’est jouée en partie des adversaires de l’Ukraine, pourra déployer ses vertus jusqu’à la victoire ? Rien n’est moins sûr. Le risque de cette date anniversaire n’est pas tant celle d’une escalade supplémentaire du conflit, que celle de l’enlisement et d’une forme de banalisation de cette guerre pendant un temps qui reste plus qu’incertain, à l’instar du conflit israélo-palestinien, même si ses fondements en sont totalement différents.

Les alliés occidentaux cherchent à prolonger leur soutien à Kiev. Or, maintenir l’unité de l’UE sur cette question tout en évitant que la guerre ne dégénère en un conflit mondial est l’un des plus grands enjeux de la politique étrangère de l’Union aujourd’hui.

Des actions d’une régularité implacable

La ténacité et sa durée se jouent dans, et par, un ancrage. Les personnes tenaces croient en leurs idées, leurs pensées, leurs actions, leurs convictions, et c’est évidemment le cas du peuple ukrainien.

Leur présence et leur mode de communication permanent, volontairement interactifs dès que possible, les engage dans le monde. Mais la ténacité du pays s’impose surtout par ses actions militaires et de communication d’une régularité implacable.

La régularité a plus d’impact que toute autre chose. Elle est plus puissante que la force et la vitesse, et vous conduira plus loin que l’endurance et le talent.

Contrairement au temps, et à son incertitude existentielle, au poids ou à la distance, la ténacité ne peut pas être mesurée ou simulée. C’est une force. Une émotion. Une sensation. Le résultat d’un long travail acharné et continu ainsi que d’une concentration et d’une détermination quotidiennes. C’est la volonté de ne jamais abandonner.

Mais tenir a un prix, celui que l’on fixe à la hauteur d’un idéal et au soutien de nos valeurs démocratiques.

 

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